Dossier amortissement – La fourche et son ressort à air

Suite du dossier amortissement. On fait dans cet article un focus sur la fourche, et plus particulièrement son ressort à air. Comment fonctionne-t-il ? De quoi est-il constitué ? Quels sont les réglages disponibles ?

Deux fourreaux pour deux fonctions

On y reviendra plus tard mais il est indispensable de savoir qu’une suspension avant de VTT est constituée de deux parties : un ressort et un amortisseur.

En jaune : le ressort / En bleu : l’amortisseur de compression / En rouge : l’amortisseur de détente / En gris : le châssis

Sans rentrer dans les équations, il est tout de même important de connaître le comportement de ces deux parties :

  • le ressort répond par une force opposée à la déformation qu’on lui applique
  • les amortisseurs répondent par une force opposée à la vitesse qu’on leur applique

Lors d’un choc, on a deux forces qui viennent donc s’ajouter, en fonction des conditions de roulage et de la forme du trou ou de la bosse.

Focalisons nous aujourd’hui sur la partie ressort. On parlera de la partie amortisseur dans le prochain article.

La fonction ressort

Deux solutions sont utilisées en VTT pour les fourches :

  • un ressort à air (pneumatique) pour la très très grande majorité des vélos
  • un ressort hélicoïdal, principalement pour les grosses fourches de DH

On ne rentrera pas ici dans la comparaison ressort à air vs ressort hélicoïdal, qui méritera un article dédié.

Le ressort à air

Comme dans le précédent article sur l’étude de la cinématique, j’utilise pour illustrer la fourche qui équipe mon Jeffsy : il s’agit d’une Fox 34 Float Factory de 2018 avec un débattement de 160 mm. Il s’agit d’une « petite » fourche, elle est donc équipée d’un ressort pneumatique, du côté gauche quand on est installé sur le vélo.

Le principe du ressort à air est relativement simple à comprendre : une certaine quantité d’air est enfermée dans une cartouche avec une certaine pression. Lorsque la fourche se déplace, un piston vient comprimer cet air, ce qui implique une certaine résistance.

En thermodynamique, on a la relation suivante pour une compression adiabatique de l’air (c’est-à-dire qu’il n’y a pas de transfert de chaleur entre le gaz et l’extérieur, attention ça ne veut pas dire que la température du gaz n’évolue pas pendant la compression) :

avec P la pression de l’air et V son volume.

On peut donc facilement tracer l’évolution de la pression en fonction du débattement de la fourche. Attention, j’ai essayé de prendre les valeurs les plus justes possibles, mais je n’ai pas eu le choix que de prendre certaines hypothèses. Les ordres de grandeur sont bons, mais les chiffres ne sont pas justes à 100%.

La lecture de ce graphique donne l’effort (en ordonnées) qu’il faut pour comprimer la fourche de x mm (en abscisses).

L’apport d’une chambre négative

On appelle la chambre négative la zone qui se trouve en dessous du piston. Il existe plusieurs solutions mais dans le cas de cette fourche Fox, une petite forme dans le plongeur permet de laisser passer l’air entre la chambre positive et la chambre négative lorsqu’elle est proche de sa zone de repos. A ce moment, on va avoir une pression équivalente en-dessous et au-dessus du piston. Chez Fox, cette fonction s’appelle EVOL, pour Extra Volume.

Traçons l’évolution de la pression dans cette chambre négative, comme on l’a fait précédemment pour la chambre positive. C’est la courbe bleue sur le graphique ci-dessous. Faisons le bilan sur le piston : d’un côté on a la chambre positive, d’un autre la chambre négative. On peut donc faire la somme de ces efforts : c’est la courbe verte.

 

Le graphique nous montre tout de suite l’intérêt d’une chambre négative. Elle permet de réduire très fortement l’effort nécessaire pour comprimer la fourche sur les faibles débattements : la sensibilité aux petits chocs est clairement améliorée.

Elle réduit l’effort nécessaire de 90% en tout début de course et de 27% au quart du débattement. L’impact de la chambre négative baisse fortement lorsqu’on se déplace vers des débattements importants. Ainsi, à la moitié du débattement, le gain en effort nécessaire n’est plus que de 7%.

Par curiosité, qu’apporte une chambre négative plus volumineuse ?

Le graphique ci-dessous montre l’impact d’une chambre négative dont on a multiplié par 2 le volume, sans rien changer d’autre.

On voit qu’on a encore amélioré la sensibilité avec un effort nécessaire réduit entre 15 et 25% sur le premier quart du débattement. Il y a donc clairement un intérêt à avoir une chambre négative avec un grand volume. Plus le volume est grand, plus la sensibilité est améliorée.

Les réglages disponibles sur un ressort à air

Sans modifier quoi que ce soit sur la fourche, on a deux possibilités pour régler le ressort à air d’une suspension :

Ajuster la pression

En utilisant une pompe haute pression, c’est l’élément numéro 1 qui va vous permettre de régler votre sag. On en reparlera en détail dans un autre article mais il est tout de même important de comprendre ce que c’est ici. Sag n’est pas un acronyme mais signifie « affaissement » en anglais. Cet affaissement correspond à l’enfoncement de la fourche sous le poids du pilote. On parle en pourcentage du débattement total. Dans le cas de ma fourche, Fox indique que le sag doit être compris entre 15 et 20% du débattement total, ce qui correspond à 24 à 32 mm de débattement.

J’ai donc fait la simulation, avec différentes valeurs de pression, pour trouver le bon sag. J’utilise évidemment le même effort (je n’ai pas maigri ou grossi entre chaque test ! ) et on obtient le résultat suivant :

  • 4,0 bar : sag de 31%, trop important. La suspension va être trop molle, elle va filtrer les chocs mais le débattement va être consommé trop facilement.
  • 5,2 bar : sag de 20%, très bien, valeur haute de sag indiquée par Fox
  • 6,1 bar : sag de 15%, très bien, valeur basse de sag indiquée par Fox
  • 8,3 bar (max recommandé par Fox) : sag de 9%, trop faible. La suspension va être trop résistante, elle ne va pas filtrer correctement les chocs et on ne va pas exploiter du tout le débattement.

Il est indispensable de bien régler sa pression, car au-delà du sag, on voit qu’elle a une influence sur l’intégralité de la courbe.

Modifier le volume de la chambre via les spacers ou tokens

Les spacers sont de petites pièces en plastique insérées dans la chambre positive. Ils permettent de modifier le volume de la chambre de façon à augmenter ou réduire la résistance au milieu et fin de course.

Sur ma Fox 34, ce sont des spacers de 10 cm3. Il y en a 1 installé d’origine : il est possible de le retirer mais il est aussi possible d’en ajouter 3 de plus, soit 4 au total.

Une courbe vaut mieux qu’un long discours. J’ai ajusté très légèrement la pression à chaque changement de nombre de spacers, de façon à respecter strictement toujours le même sag de 15%.

On voit qu’effectivement l’écart entre les différents spacers se creuse fortement après 50% du débattement.

A 75% d’enfoncement de la fourche, avec :

  • 1 spacer : il faut 8% d’effort en plus que sans spacer
  • 2 spacers : 18% de plus que sans spacer
  • 3 spacers : 31% de plus
  • 4 spacers : 51% de plus

On voit que les spacers ont un impact non négligeable. Il faut donc le garder dans un coin de la tête au moment où on passera au réglage.

Le ressort à air, quelques informations à retenir pour la suite

D’un point de vue de la conception :

  • le ressort à air est un élément relativement simple, mais puissant car il se règle très facilement contrairement à un ressort hélicoïdal (on y reviendra plus tard). Il a une raideur qui évolue tout au long du débattement, ce qui est bénéfique en fin de course car ça limite le talonnement.
  • il présente par contre une raideur relativement élevée en début de course. La chambre négative permet de palier partiellement ce défaut, c’est-à-dire de diminuer sa résistance en début de course

Deux réglages possibles :

  • la pression d’air qui permet d’ajuster la courbe de raideur complète du ressort à air. Elle s’ajuste pour obtenir le bon sag (ou affaissement de la fourche)
  • le nombre de spacers ou tokens qui permet de faire évoluer le volume de la chambre. On peut ainsi jouer sur la résistance en milieu et fin de course.

On parlera au prochain article de l’autre fourreau de la fourche, l’amortisseur, puis on passera aux réglages.

 

Les photos du Jeffsy ainsi que tous les graphiques ont été réalisés par mes soins. La vidéo ainsi que les captures d’écran proviennent de chez Fox. Deux schémas proviennent du très bon guide SRAM.

8 commentaires

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  3. Bonjour,

    J’ai suivie pas mal de tes articles quand tu parles de simulation tu les a réalisé sur quelle logiciels.
    Ou que des phase de test ?
    Sinon superbe article

    Sportivement

    • Bonjour P-A, merci pour ton commentaire et désolé pour le délai de réponse.
      Ce ne sont que des calculs « thermodynamiques » faits sur Excel, ça ne va pas beaucoup plus loin que ça. A bientôt !

  4. Bonjour, je me permet de vous demander a partir de quelles équations obtenez vous ces résultats, que je souhaiterai exploiter dans le cadre d’un projet

    • Bonjour, j’ai juste utilisé la loi de Laplace, PV^gamma=constante. J’ai calculé le volume des différentes chambres en m’appuyant sur les données que j’ai pu récupérées sur les plans des pièces ainsi que certaines hypothèses. Ce n’est pas juste à 100% mais ça donne de bonnes informations tout de même !

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